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28 février 2017 2 28 /02 /février /2017 14:15

L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) soutient la diffusion du film documentaire de Jero Yun Madame B., histoire d'une Nord-Coréenne - qui raconte la vie d'une réfugiée nord-coréenne et de sa famille, sorti en salles le 22 février 2017 en France. Le film a donné lieu à des avant-premières, à l'initiative notamment de membres de l'AAFC, à Tousson et à Pithiviers le 18 février 2017, en présence du réalisateur Jero Yun. Le cinéma d'art et d'essai "Les 3 Luxembourg", à Paris, a projeté deux séances suivies de rencontres-débats : le 22 février avec Jero Yun, et le 27 février avec Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC chargé des actions de coopération. Nous revenons sur la séance-débat du 27 février. 

"Madame B. histoire d'une Nord-Coréenne" : projection-débat avec l'AAFC au cinéma "Les 3 Luxembourg"

Madame B. histoire d'une Nord-Coréenne est un film d'accès apparemment difficile : filmé dans un style dépouillé, parfois brut, à mille lieues des clichés sur les réfugiés nord-coréens véhiculés par des stars (ou supposées telles) ayant des besoins de reconnaissance et/ou financiers, le long métrage invite les spectateurs à se forger leur propre opinion et ne délivre pas d'autre message que celle de l'humanité d'une femme, Mme B., qui, comme des dizaines de milliers de Nord-Coréens, a quitté son pays à la recherche d'une vie économique meilleure. Son récit devient, par extension, celui de nombreux réfugiés de par le monde. Comme l'observe Isabelle Regnier du quotidien Le Monde,

La force du film tient à la tension qu’il instaure entre le tableau cataclysmique des conditions de vie de ces migrants d’Asie extrême et la personnalité fascinante de son personnage, bloc de volonté qui oppose aux coups de massue du destin un désir de vivre dévorant, et une capacité de résilience qui laisse pantois.

http://www.lemonde.fr/cinema/article/2017/02/21/madame-b-le-periple-d-une-battante-entre-les-deux-corees_5082797_3476.html#g45ZObYMiz8lUArg.99

Animé par Benoît Quennedey, vice-président de l'AAFC, le très riche débat qui a suivi la projection, en présence de Coréens et de spécialistes de la Corée, a permis d'aborder de multiples autres questions qui touchent à la société coréenne dans son ensemble, Nord comme Sud : les représentations réciproques entre Coréens du Nord et du Sud ; l'intégration (ou non) des Nord-Coréens en Corée du Sud, confrontés à l'anticommunisme viscéral d'une société où ils souffrent de l'absence de réseaux, essentiels pour réussir au Pays du Matin Calme ; la question des femmes dans la société coréenne, marquée par une culture patriarcale d'origine néo-confucéenne... Car Mme B. traduit aussi l'émancipation de millions de femmes (nord-)coréennes, à la faveur de l'ouverture économique du pays, à la mesure des positions privilégiées qu'elles occupent souvent dans les activités commerciales privées, légales ou non, qui permettent aujourd'hui à la RPD de Corée de poursuivre son développement économique et social.

Jero Yun a réussi le tour de force d'accepter que parle, sous l'oeil de sa caméra, toute une famille de réfugiés nord-coréens - alors que les réfugiés coréens, qu'ils soient du Nord ou du Sud, sont le plus souvent réservés à témoigner. Par la force de sa volonté, Mme B. a d'ailleurs aujourd'hui réussi à ouvrir un café en Corée du Sud, tandis que son fils aîné enchaîne tous les travaux, ne rechignant pas devant les tâches les plus difficiles, et que son fils cadet est engagé dans des études pour devenir acteur - ce qui répond en partie aux interrogations qui se font jour à la fin du film.

A travers un récit individuel, c'est aussi une certaine histoire de la Corée que nous raconte la vie de Mme B. - et qui fait plus que jamais ressortir la nécessité de réunifier un pays divisé depuis sept décennies. Quant à lui, Jero Yun a pour sa part exprimé sa reconnaissance envers les réfugiés nord-coréens qui l'ont soutenu, lorsqu'il les accompagnait lors de leur périple express (cinq jours !) de la Chine du Nord-Est jusqu'en Thaïlande, lui qui était blessé, découragé parfois, mais avait promis à Mme B. de transcrire dans un film l'histoire d'une vie peu banale. 

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19 février 2017 7 19 /02 /février /2017 14:08

L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) soutient la diffusion du film documentaire de Jero Yun Madame B., histoire d'une Nord-Coréenne - qui raconte la vie d'une réfugiée nord-coréenne et de sa famille, Madame B., loin des clichés sur les réfugiés nord-coréens en Corée du Sud, avant une sortie en salles le 22 février 2017 en France. Le long métrage produit par ZORBA a été présenté à Cannes en 2016 à la sélection de l'ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion). Plusieurs avant-premières en France ont eu lieu avec la participation de membres des comités régionaux de l'AAFC, le comité régional Bourgogne-Franche-Comté ayant par ailleurs relayé la diffusion en avant-première au Festival international du film de Belfort. Le 18 février 2017, deux avant-premières suivies d'un débat avec le réalisateur ont eu lieu, à l'initiative de Pierrot Beltante, animateur du foyer rural de Tousson "La tête des trains", le foyer rural de Tousson ayant une longue tradition de présentation de la culture coréenne et du cinéma de et sur la Corée, en partenariat avec l'AAFC : à Tousson (en présence de 25 participants, la capacité maximale d'accueil de la salle de projection) et au cinéma Le Mail à Pithiviers, devant 120 spectateurs. Des délégations du bureau national de l'AAFC étaient présentes lors des projections-débats à Tousson et Pithiviers. L'AAFC remercie Pierrot Beltante (qui avait découvert le film et rencontré Jero Yun lors de la sélection à Cannes), l'équipe du foyer rural de Tousson et le cinéma Le Mail à Pithiviers pour l'organisation de ces avant-premières, suivies d'excellents buffets, et relayées dans les médias locaux (journaux, site de la mairie de Pithiviers et web-télévision).

Projection en avant-première à Pithiviers

Projection en avant-première à Pithiviers

Comment parler du film Madame B., histoire d'une Nord-Coréenne ? On peut retenir une approche sociale et politique, mettant l'accent sur les raisons qui ont conduit des dizaines de milliers de Nord-Coréens à quitter définitivement leur pays - essentiellement pour des raisons économiques, comme Madame B., qui pensait initialement revenir en Corée du Nord après un an - avant souvent de déchanter lors de l'arrivée au sud de la péninsule - où nombre d'entre eux sont accusés d'espionnage et doivent purger de longues peines de prison.

On peut aussi s'intéresser à l'esthétique du film, sobre, dépouillée, qui évite tout jugement de valeur, et à ses conditions de réalisation particulièrement difficiles pour Jero Yun, qui avait fait à Madame B. la promesse de porter son histoire à l'écran - une promesse qu'il mettra trois ans à honorer. Ayant suivi le groupe de fugitifs nord-coréens dont faisait partie Madame B. dans leur périple de la Chine du Nord-Est jusqu'en Thaïlande (d'où ils rejoindront la Corée du Sud), Jero Yun a déclaré :  

Marcher avec les autres clandestins tout en filmant et en prenant le son seul m’était cependant devenu impossible tant j’avais moi-même du mal à survivre. Des réfugiés nord-coréens m’aidaient, c’était une relation très étrange, car j’étais pour ma part incapable de les aider physiquement. Parfois, les passeurs soutenaient quelques groupes épuisés en portant leurs sacs. Il y avait des moments d’entraide et de partage. Durant le périple, j’ai donc filmé tout ce que je pouvais filmer, mais dans certaines situations, c’était impossible. Un passeur laotien, notamment, avait un visage qui ne m’incitait pas à sortir la caméra… D’autres fois, ma blessure et la faim m’empêchaient de filmer. Quand je suis arrivé en Thaïlande, je ressemblais à un clochard. Sur place, je me suis fait contrôler quatre fois par les autorités, tant ma situation de clandestin était évidente.

http://www.allocine.fr/film/fichefilm-246814/secrets-tournage/

On peut, enfin, retenir une approche centrée sur la leçon d'humanité que délivre le film, né de la relation exceptionnelle qui s'est créée entre Jero Yun et Madame B., mais aussi la famille de cette dernière - notamment ses deux fils, dont le plus jeune a commencé des études pour devenir acteur de cinéma. Comme l'a déclaré une spectatrice de l'avant-première à Tousson, le film est une histoire d'amour - ou plutôt une histoire d'amours. Celles de Madame B. pour son mari nord-coréen, pour son mari chinois et pour ses deux fils, son départ pour la Corée du Sud tenant à sa seule volonté de gagner mieux sa vie pour leur offrir la possibilité de poursuivre des études universitaires, très coûteuses en Corée du Sud. Alors que le film se termine sur les questions que se pose Madame B., elle a aujourd'hui créé un café à Séoul, où elle vit toujours, en ayant par ailleurs obtenu la nationalité et un passeport sud-coréens.

Femme exemplaire, déterminée à lutter pour obtenir ses droits, Madame B. témoigne du rôle nouveau joué par les femmes dans la société nord-coréenne (ce sont d'ailleurs elles qui tiennent les échoppes des marchés généraux de biens et de services), le portrait que dresse d'elle Jero Yun dépassant le cadre strict du contexte coréen pour gagner une portée universelle.

Pour aller plus loin, quelques critiques du film : 

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15 février 2017 3 15 /02 /février /2017 14:17

Alors que les Nord-Coréens célèbrent, le 16 février 2017, le 75e anniversaire de la naissance de leur ancien dirigeant Kim Jong-il, et que l'année 2017 marque le 45e anniversaire du communiqué conjoint Nord-Sud du 4 juillet 1972 et le 10e anniversaire de la déclaration Nord-Sud du 4 octobre 2007, une citation est fréquemment attribuée à Kim Jong-il : "the overall relations between the North and the South have developed in favor of national reconciliation, unity and reunification" - qu'on peut traduire en français par : "Globalement les relations entre le Nord et le Sud se sont développées en faveur de la réconciliation nationale, de l'unité et de la réunification". L'Association d'amitié franco-coréenne revient sur le contexte et la signification de cette citation. 

Kim Dae-jung et Kim Jong-il à Pyongyang le 15 juin 2000

Kim Dae-jung et Kim Jong-il à Pyongyang le 15 juin 2000

Tout d'abord, il convient d'observer que cette citation, attribuée à Kim Jong-il par l'agence de presse nord-coréenne KCNA, est tronquée : la citation complète précise que les relations intercoréennes se sont développées en faveur de la réconciliation nationale, de l'unité et de la réunification "depuis la publication de la déclaration conjointe du 15 juin" 2000, c'est-à-dire au lendemain du sommet à Pyongyang entre le président sud-coréen Kim Dae-jung et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il.

Cette déclaration est donc postérieure au premier sommet intercoréen et elle montre la confiance alors exprimée par Kim Jong-il et la République populaire démocratique de Corée dans l'approfondissement du dialogue et des échanges intercoréens. Elle a été exprimée lors d'une rencontre à Pyongyang, le 12 août 2000, entre Kim Jong-il et les représentants de médias sud-coréens. A cette occasion, Kim Jong-il a également déclaré, toujours selon KCNA, qu'il était prêt à rencontrer toute personne qui soutenait la Déclaration du 15 juin 2000, qu'elle appartienne à la majorité politique sud-coréenne d'alors (les démocrates) ou à l'opposition (conservatrice).

Cette déclaration était donc riche de promesses pour l'avenir des relations Nord-Sud. Malheureusement, après le retour au pouvoir à Séoul des conservateurs en 2008, les autorités sud-coréennes n'ont pas honoré les engagements pris lors des déclarations conjointes Nord-Sud du 15 juin et du 4 octobre 2007, et les relations intercoréennes sont revenues à un état de confrontation tandis que les acquis de dix ans de dialogue et d'échanges Nord-Sud ont été progressivement déconstruits.

Source :

 

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14 janvier 2017 6 14 /01 /janvier /2017 19:01

Après la guerre de Corée (1950-1953), les passages du Sud au Nord de la Corée (et du Nord au Sud de la péninsule) sont devenus quasi-impossibles, et n'ont donné lieu qu'à des mouvements de population très limités (dans les deux sens). La sévère pénurie alimentaire qu'a ensuite connue la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) entre 1992 et 1999 a alors conduit, à partir de cette date, des dizaines de milliers de Nord-Coréens à se rendre en Chine avant de rejoindre, pour une partie d'entre eux, la Corée du Sud - où résiderait aujourd'hui une communauté d'environ 30 000 réfugiés nord-coréens, soit environ un millième de la population nord-coréenne. Les réfugiés nord-coréens sont l'objet de nombreux débats : si le regard que les Occidentaux portent sur eux (et par extension, sur la Corée du Nord) est largement conditionné par les récits spectaculaires, en grande partie fantasmés et instrumentalisés par l'extrême-droite, de défecteurs célèbres (comme Shin Dong-hyuk et Park Yeon-mi), une partie des réfugiés nord-coréens regrette pour sa part sa vie au Nord de la péninsule (où certains ont choisi de retourner vivre). Dans ce contexte, il importe de dépassionner la question des réfugiés nord-coréens en Corée du Sud : c'est tout l'intérêt d'un film comme Madame B, Histoire d'une Nord-Coréenne, qui sortira prochainement en France, d'offrir une approche documentaire, loin des jugements de valeur, pour comprendre la vie peu commune de nombre de ces réfugiés. L'Association d'amitié franco-coréenne a apporté son soutien à la diffusion du film.

Madame B, histoire d'une Nord-Coréenne sortira en salles le 22 février 2017 : ce long-métrage franco-sud-coréen de Jero Yun a reçu le prix du meilleur documentaire au Festival international de Moscou et au Festival de Zurich. Caméra au poing, Jero Yun a suivi dans son périple, de la Chine jusqu'en Corée du Sud, dans des conditions particulièrement difficiles, Madame B., Nord-Coréenne ayant quitté clandestinement son pays, mariée à un paysan chinois par ses passeurs, devenue passeuse elle-même.

Madame B. ne prétend pas être une héroïne. Dans le film elle ne porte pas de jugement sur son pays d'origine, ni sur la Corée du Sud où elle vit désormais, ce qui déconcertera assurément les amateurs d'histoires à faire peur sur la Corée du Nord. Ce qui la guide, c'est la volonté d'aider sa famille, son mari et ses enfants (nord-coréens), puis son second mari (chinois), ce qui en soi relève certainement d'une forme de grandeur morale qui mérite d'être saluée - la fin justifiant les moyens. Les motivations très personnelles, profondément apolitiques, de Madame B. reflètent celles d'une immense majorité des réfugiés nord-coréens en Corée du Sud, qui ont découvert, à leur arrivée à Séoul, une société travaillée au corps par l'anticommunisme, qui prend en Corée du Sud la forme d'une paranoïa à l'égard de la Corée du Nord. Madame B. est d'ailleurs victime de cette paranoïa, elle et les siens ayant subi les sévices des services secrets sud-coréens, qui les soupçonnent d'espionnage pour le Nord. Un soupçon qui ne repose sur aucune preuve concrète, témoignant du caractère encore autoritaire de la Corée du Sud - à mille lieux des images d'Epinal d'une démocratie sud-coréenne pure et parfaite.

Le film est servi par une grande finesse dans les procédés techniques, où les silences des personnages et les clairs-obscurs laissent à comprendre sans jamais asséner de vérité révélée. Les portraits psychologiques, magnifiques, sont ceux de Madame B., mais aussi de ses deux familles, coréenne et chinoise. La caméra donne à voir, de manière pudique, tout comme la voix off qui créent une atmosphère exprimant de manière subtile les doutes et les tensions qui animent des personnages portant, chacun en eux, une part touchante d'humanité. Madame B, histoire d'une Nord-Coréenne est un film documentaire puissant et beau, qui nous réconcilie avec un genre qui n'a été que trop souvent malmené quand il a abordé les questions nord-coréennes.

Lire la fiche du film et sa présentation sur le site de l'Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion (ACID) :

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1 janvier 2017 7 01 /01 /janvier /2017 19:16

La couverture médiatique des événements est parfois étrangement différente des faits eux-mêmes. Le traditionnel message de nouvel an télévisé du Président Kim Jong-un, le 1er janvier 2017, en offre une illustration frappante : alors que le numéro un nord-coréen a clairement mis en avant le souci d’œuvrer pour la paix et la sécurité en Corée, les médias anglo-saxons n'ont retenu que la poursuite du programme nucléaire et balistique de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) pour transformer un message de paix en un discours belliqueux. Décryptage (PS : les extraits cités dans l'article sont une traduction, non officielle, par l'AAFC).

Message de nouvel an de Kim Jong-un : pour la paix et la sécurité, pour la prospérité de la Corée

Une fois n'est pas coutume, alors que la part la plus importante du message de nouvel an a été consacré, comme à l'ordinaire, à la situation économique intérieure, la dépêche de l'agence KCNA en ayant rendu compte a déjà évoqué les questions internationales.

Selon l'agence KCNA, dans un contexte marqué en 2016 par le renforcement sans précédent des sanctions contre la RPD de Corée, le Président Kim Jong-un a déclaré que « tant que les États-Unis et leurs suiveurs n'abandonneront pas leurs exercices de guerre », la RPDC « continuera de renforcer son potentiel d'autodéfense et sa capacité à mener une attaque préventive avec comme pivot ses forces nucléaires », tout en précisant que « les tests d'un missile balistique intercontinental sont en phase finale » - une référence étant par ailleurs faite aux progrès réalisés l'an passé dans le domaine balistique et nucléaire, notamment les essais nucléaires de janvier et septembre 2016 présentés comme des essais de bombes H. Mais ces précisions, qui ne sont en rien nouvelles et doivent être envisagées sous l'angle nord-coréen selon lequel l'objectif du désarmement nucléaire n'est possible que dans un cadre global, contrairement au désarmement unilatéral de la RPDC que recherchent les États-Unis (et qui, une fois obtenu, leur ont permis d'agresser des pays dépourvus de moyens suffisants d'autodéfense, comme l'Irak et la Libye).

 

Le principe de la politique étrangère de la RPD de Corée reste, comme le rappelle le premier paragraphe de la dépêche de l'agence KCNA, « la défense de la paix et de la sécurité », dans la péninsule coréenne et dans le monde. La RPD de Corée entend continuer à développer une politique d' « indépendance, de paix et d'amitié », fondée sur des « relations de bon voisinage, d'amitié et de coopération » avec tous les États qui respectent sa souveraineté.

 

Selon la dépêche de l'agence KCNA, le Dirigeant Kim Jong-un a ensuite mis l'accent sur la nécessité d'améliorer les relations intercoréennes et d'encourager par tous les moyens la réunification de la patrie, alors que l'année 2017 marque le 45e anniversaire de la déclaration conjointe du 4 juillet 1972 et le 10e anniversaire de la déclaration du 4 octobre 2007. La RPDC est « constante dans sa position de ne pas combattre ses compatriotes mais de défendre ses compatriotes et la paix du pays (…) Tous les Coréens, du Nord, du Sud et de la diaspora, doivent être solidaires et se réunir autour du principe consistant à tout subordonner à la réunification » - par-delà les différences d'idéologies et de systèmes politiques. Ce message trouve une résonnance particulière après le vote par le Parlement sud-coréen d'une motion de destitution de la Présidente sud-coréenne Park Geun-hye, qui a favorisé les tensions intercoréennes – le nom de Mme Park n'étant toutefois pas cité (tout comme d'ailleurs ceux des actuel et futur présidents américains).

 

La plus grande partie du message de nouvel an concerne, une nouvelle fois, la priorité portée à l'amélioration de la situation économique et au développement du pays, dans la continuité des orientations définies lors du septième Congrès du Parti du travail de Corée en mai 2016 dans le cadre de la stratégie quinquennale de développement économique (le mot « stratégie » étant employé de préférence à celui de « plan »), et sur la base des résultats obtenus l'an passé.

 

Trois secteurs industriels sont à privilégier : l'électricité, la métallurgie et la chimie. L'accent est porté non seulement sur les aspects quantitatifs, mais aussi sur l'amélioration de la qualité de la production – notamment pour la métallurgie afin de diminuer les coûts d'extraction en modernisant le processus de production (dans la dépêche de KCNA, cette modernisation est décrite comme un recours aux technologies modernes dans le cadre des idées du Juche). Les transports, qui sont un des freins au redressement de l'économie, sont à nouveau identifiés comme une priorité – notamment les transports ferroviaires.

 

Pour atteindre l'objectif d'autosuffisance alimentaire, le besoin d'accroître la production agricole est souligné – sont notamment cités l'amélioration de l'alimentation du bétail dans la région de Sepho, la production de fruits, de champignons et de légumes et la pisciculture.

 

Dans le domaine de la construction, plusieurs chantiers prioritaires sont identifiés : la construction de logements rue Ryomyong, la station électrique de Tanchon et la modernisation de l'usine de locomotives Kim Jong-thae.

 

Toujours selon le Président Kim Jong-un, l'atteinte des objectifs de développement exige une amélioration de modes de gestion, la mise en œuvre des progrès technologiques (il est fait allusion à la mise sur orbite du satellite Kwangmyongsong-4 en février 2016, ainsi qu'au développement d'un modèle coréen de robotisation) ainsi qu'un travail idéologique de mobilisation des travailleurs et des soldats – rappelant ainsi le rôle de l'armée comme acteur économique.

 

Les priorités ainsi définies constituent autant d'orientations pour la politique de la RPDC en 2017, justifiant l'intérêt d'en faire une analyse rigoureuse.

 

Source :

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11 septembre 2016 7 11 /09 /septembre /2016 14:56

Coïncidence du calendrier ou provocation déliberée ? L'agence de presse officielle sud-coréenne Yonhap a choisi le 11 septembre 2016 - c'est-à-dire le 15e anniversaire des attentats meutriers du 11 septembre 2001 - pour révéler que, selon la fuite (organisée) d'une source militaire "anonyme", les autorités sud-coréennes souhaitent "réduire en cendres" et "rayer de la carte" la capitale nord-coréenne Pyongyang. Dans un contexte de dangereuse escalade des tensions, qui a conduit notamment à l'essai nucléaire nord-coréen du 9 septembre 2016, l'Association d'amitié franco-coréenne appelle l'ensemble des parties à la retenue et au retour dès que possible à la table des négociations pour résoudre la crise coréenne par la voie diplomatique, afin d'empêcher une nouvelle guerre de Corée aux conséquences effroyables.

Le missile balistique sud-coréen Hyunmoo-2, un des vecteurs envisagés par les autorités sud-coréennes pour réduire Pyongyang "en cendres" (photo mise à disposition par le ministère sud-coréen de la Défense à l'agence officielle Yonhap).

Le missile balistique sud-coréen Hyunmoo-2, un des vecteurs envisagés par les autorités sud-coréennes pour réduire Pyongyang "en cendres" (photo mise à disposition par le ministère sud-coréen de la Défense à l'agence officielle Yonhap).

Une nouvelle étape a été franchie par Séoul dans ses agressions verbales contre le Nord. L'agence officielle sud-coréenne Yonhap a en effet diffusé des propos émanant du ministère de la Défense tendant à anéantir la capitale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) pour, prétendument, empêcher "préventivement" une frappe nucléaire nord-coréenne :

Chaque quartier de Pyongyang, en particulier ceux où la direction nord-coréenne pourrait se cacher, sera complètement détruit par des missiles balistiques et de fortes charges explosives dès que le Nord montrera le moindre signe d'utilisation de ses armes nucléaires. En d'autres termes, la capitale du Nord sera réduite en cendres et rayée de la carte.

Les mots sont choisis si l'on se souvient que tous les immeubles de Pyongyang (sauf trois) ont été détruits par les bombardements des troupes des Nations Unies sous commandement américain pendant la guerre de Corée. Par ailleurs, lorsque l'on sait que les Etats-Unis et la Corée du Sud prétendent apprécier seules et d'elles-mêmes l'hypothèse d'une attaque nucléaire nord-coréenne, le message est simple : Séoul entend pouvoir déclencher une guerre contre la Corée du Nord quand elle le veut, sans avoir de comptes à rendre à quiconque.

Pourtant, les troupes sud-coréennes sont placées sous l'autorité des Etats-Unis en cas de guerre : est-ce à dire que les autorités sud-coréennes entendent se débarrasser de la tutelle américaine - ce qui est peu probable, vu la subordination volontaire de la Corée du Sud à Washington en matière militaire, tout particulièrement dans les milieux conservateurs au pouvoir à Séoul ? Doit-on plutôt voir dans ces déclarations une forme de chantage vis-à-vis de Washington ? Ou les Etats-Unis ont-ils donné leur aval à ces déclarations bellicistes ? En tout cas, les pays occidentaux jouent un jeu dangereux pour la paix en refusant de condamner cette nouvelle provocation sud-coréenne. En effet, cette agression verbale fait suite à la reprise de la propagande sud-coréenne par haut-parleur de long du 38e parallèle, une relance de la campagne de désinformation sur la Corée du Nord et au départ pour la Corée du Sud, apparemment contre leur gré, de tout ou partie des serveuses d'un restaurant nord-coréen en Chine, mis en scène à la veille des élections législatives - perdues du reste par la Présidente sud-coréenne Mme Park Geun-hye, qui s'appuie ainsi de plus en plus sur les services de renseignement qui ont conservé les méthodes de son dictateur de père. Jusqu'où la Corée du Sud ira-t-elle dans ses provocations qui attisent dangereusement les tensions dans la péninsule ?

Si la Russie et la Chine appellent l'ensemble des parties à la retenue, Washington, Londres ou Paris n'ont de critiques à formuler qu'à l'encontre de la Corée du Nord dans l'escalade des tensions entre les deux Corée. Implicitement, ces pays approuvent la marche à la guerre des autorités conservatrices sud-coréennes, qui ont engagé leur pays sur une voie autoritaire (avec le silence complaisant des capitales occidentales, Paris en tête) et peuvent ainsi chercher dans l'affrontement avec le Nord un exutoire à leur propre impopularité et au ralentissement de l'économie nationale.

Si la forme de l'attaque verbale du 11 septembre 2016 est dangereuse, elle n'est en effet que la partie opérationnelle d'un plan de guerre contre la Corée du Nord, rendu public pour la première fois le même jour : il s'agit du plan KMPR (Korea Massive Punishment & Retaliation, "Réprésailles et punition massive par la Corée [du Sud]") qui, toujours selon l'agence Yonhap, repose sur l'utilisation de missiles sol-sol Hyunmoo 2A (d’une portée de 300 km), Hyunmoo 2B (dont la portée est de 500 km) et le missile de croisière Hyunmoo 3 (portée : 1.000 km), ces missiles pouvant aussi atteindre la Chine et la Russie, et s'ajoutant au système de missiles américain THAAD et aux unités de commando sud-coréennes entraînées pour éliminer les dirigeants nord-coréens.

Quand la Corée du Nord s'expose à des sanctions de plus en plus fortes pour ses essais nucléaires et balistiques conduits, selon elle, dans une logique de dissuasion, la Corée du Sud poursuit pour sa part ses essais balistiques dont on sait désormais qu'ils s'inscrivent dans une logique d'affontement mlilitaire, mais sans s'exposer à des sanctions internationales - grâce à la protection dont elle jouit par le veto américain au Conseil de sécurité des Nations Unies, et à l'impuissance chinoise et russe de ces deux pays mis devant le fait accompli avec le système THAAD. Mais jusqu'à quand Pékin et Moscou tolèreront-ils la menace américano - sud-coréenne ? Les discussions au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, tendant à accroître une nouvelle fois les sanctions contre la Corée du Nord après l'essai nucléaire du 9 septembre 2016, risquent d'être encore un peu plus longues et compliquées.

Sources sud-coréennes citées dans l'article :

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23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 12:39

Quelques jours avant les élections législatives du 13 avril 2016, les autorités sud-coréennes annonçaient la défection collective du responsable et de 12 employées d'un restaurant nord-coréen à l'étranger. Cette annonce était apparue comme une manoeuvre préélectorale, contraire à toutes les règles habituelles lorsque des Nord-Coréens rejoignent la Corée du Sud. La République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) a ensuite dénoncé avec véhémence des "enlèvements", c'est-à-dire que les jeunes femmes auraient été amenées de force en Corée du Sud. Et, de fait, la gestion de ces défections, dans laquelle les services de renseignement sud-coréens sont omniprésents, jette une ombre sur la volonté réelle de tout ou partie des jeunes femmes à gagner la Corée du Sud. La République de Corée dirigée par Mme Park Geun-hye a-t-elle kidnappé des citoyens d'un pays étranger ? La volonté farouche de Mme Park Geun-hye et de ses collaborateurs d'empêcher tout contact entre les défecteurs et des personnes tierces accrédite en tout cas cette thèse.

Jeong Joon-hee, porte-parole du ministère de la Réunification de la République de Corée (Corée du Sud), annonçant la défection des 13 Nord-Coréens le 8 avril 2016

Jeong Joon-hee, porte-parole du ministère de la Réunification de la République de Corée (Corée du Sud), annonçant la défection des 13 Nord-Coréens le 8 avril 2016

Le quotidien sud-coréen de centre-gauche Hankyoreh pose la question : pourquoi le gouvernement sud-coréen cache-t-il les Nord-Coréens ayant fait défection collectivement d'un restaurant en Chine en avril dernier ? En d'autres termes, en quoi la manifestation de la vérité serait-il si gênante pour Mme Park Geun-hye ?

Tout d'abord, les Nord-Coréens qui font défection sont pris en charge dans un centre d'accueil (Hanawon), sauf s'ils sont des défecteurs de haut rang disposant d'informations relevant du renseignement. Ce n'est pas le profil des 12 jeunes femmes, accompagné de leur gérant, ayant quitté le restaurant nord-coréen où tous les 13 travaillaient en Chine. Alors, pourquoi cette exception que rien ne justifie ? Pourquoi vouloir que les défecteurs n'aient de contacts qu'avec les agents des services de renseignement sud-coréens (NIS), accusés par la Corée du Nord d'avoir orchestré l'enlèvement des jeunes femmes aujourd'hui en Corée du Sud ?

En dehors des membres des centres Hanawon, les chercheurs du Centre d'études sur les droits de l'homme en Corée du Nord de l'Institut National pour la Réunification (acronyme anglais de l'Institut : KINU) sont les seuls tiers à avoir ordinairement accès aux défecteurs nord-coréens. Leur demande de rencontre avec les 13 défecteurs a été cette fois refusée.

Le 24 mai, huit avocats membres des Juristes pour une société démocratique (Minbyun) ont soumis une requête en habeas corpus, qui permet aux membres de la famille ou aux proches d'une personne victime de détention arbitraire de faire valoir leurs droits. La procédure porte sur les 12 anciennes salariées, qui ne sont pas apparues lors de l'audience : en leur lieu et place, c'est le NIS qui s'est exprimé en disant que les 12 jeunes femmes auraient eu peur d'apparaître dans une audience pourtant à huis clos, au regard des menaces qui auraient pesé sur leurs familles restées en Corée du Nord. Le NIS a ajouté que les 12 femmes auraient obtenu la nationalité sud-coréenne sur leur demande le 3 juin dernier. Les avocats de la Minbyun ont demandé une autre convocation, et donc la poursuite de la procédure, suspendue.

Comme l'observe Kim Jin-cheol, du quotidien Hankyoreh, "certaines des employées pourraient ne pas avoir eu l'intention de partir" au regard d'informations recueillies auprès de proches du dossier :

"Mes sources me disent que l'homme qui dirigeait le restaurant et certaines des salariées qu'il employait avaient une relation particulière, et sont entrés en Corée du Sud sans même savoir que neuf autres personnes viendraient également", a déclaré un défecteur devenu expert impliqué dans des actions tendant à des défections.

Même le NIS a déclaré que "peu importe les circonstances" dans lesquelles les employées sont arrivées.

Selon l'agence, "A partir du moment où ils sont arrivés, toute personne de bon sens s'inquièterait de la façon dont ils pourraient vivre en sécurité en Corée du Sud".

Cela implique que certaines des employées pourraient ne pas avoir eu l'intention de partir.

Sources :

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14 juin 2016 2 14 /06 /juin /2016 12:35

Il y a 16 ans, le 15 juin 2000, la déclaration conjointe Nord-Sud signée à Pyongyang par le Président sud-coréen Kim Dae-jung et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il ouvrait la voie à une nouvelle ère dans le dialogue intercoréen, en vue de la réunification pacifique de la péninsule coréenne, par les Coréens eux-mêmes. L'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) réaffirme que la Déclaration du 15 juin 2000 reste la pierre angulaire des échanges intercoréens en ayant ouvert les seules perspectives viables  pour parvenir à la réunification et à une paix durable dans la péninsule coréenne.

Kim Dae-jung, à gauche, et Kim Jong-il, à droite, lors de leur rencontre au sommet à Pyongyang en juin 2000

Kim Dae-jung, à gauche, et Kim Jong-il, à droite, lors de leur rencontre au sommet à Pyongyang en juin 2000

A ceux qui s'interrogent sur ce qu'il reste du dialogue et des échanges intercoréens, notamment après la fermeture du complexe industriel de Kaesong en février 2016, alors que ces échanges ont été menés avec succès pendant plus de 15 ans entre le Nord et le Sud de la péninsule, l'AAFC répond que la Déclaration du 15 juin 2000 s'inscrit dans un ensemble de déclarations et d'accords entre les deux Etats coréens - notamment la Déclaration du 4 octobre 2007. La déclaration historique du 15 juin 2000, et surtout les politiques qu'elle a permis de mettre en oeuvre ou qu'elle a favorisées (tourisme intercoréen des Monts Kumgang, investissements sud-coréens au Nord, réunions de familles séparées, échanges économiques qui avaient fait de la Corée du Sud le deuxième partenaire commercial de la Corée du Nord) a ainsi montré la pertinence du dialogue et des échanges pour progresser vers une réunification pacifique de la Corée, par les Coréens eux-mêmes. Si le dialogue intercoréen a été progressivement ruiné après le retour des conservateurs au pouvoir à Séoul en février 2008, les idées ne meurent pas, et le principe même d'échanges économiques, culturels et humains entre les deux Corée reste plus que jamais d'actualité : on ne fait pas reculer la peur et la défiance de l'autre sans se parler, se rencontrer, échanger, que ces discussions et échanges aient un caractère politique, social, économique, culturel ou militaire.

Dans ce contexte, l'AAFC reste fermement convaincue - comme du reste une majorité de Sud-Coréens, qui ont désavoué la politique conservatrice de Mme Park Geun-hye lors des élections législatives du 13 avril 2016 - que toute occasion doit être saisie pour renouer le fil du dialogue et les échanges. A cet égard, le septième congrès du Parti du Travail de Corée, en mai 2016, a réaffirmé la nécessité de considérer les Déclarations du 15 juin 2000 et du 4 octobre 2007 comme les fondements du dialogue intercoréen pour avancer vers la réunification. Malheureusement, la Présidente Park Geun-hye a refusé une nouvelle fois cette main tendue au Sud, tout en faisant de sa fonction de chef de l'Etat un bastion pour poursuivre une politique agressive de refus de tout dialogue avec le Nord. Il reste à espérer que les élections présidentielles sud-coréennes de décembre 2017 permettront, enfin, l'élection à Séoul d'un chef de l'Etat qui refuse la logique de l'affrontement intercoréen - car lors des deux précédents scrutins, les candidats conservateurs Lee Myung-bak (en 2007) et Park Geun-hye (en 2012) ont été élus sur un programme mensonger vis-à-vis du Nord, dans lequel ils faisaient mine de vouloir poursuivre ou rétablir les relations Nord-Sud. Leur politique a été aux antipodes de leurs engagements. Les électeurs sud-coréens se feront-ils leurrer une troisième fois ? Réponse dans un an et demi.

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9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 18:35

Dans un article publié le 9 juin 2016, Frédéric Ojardias (RFI) souligne les paradoxes de la culture du riz en Corée : alors que le Sud souffre d'une surproduction, le Nord lutte toujours pour l'autosuffisance alimentaire... mais les autorités conservatrices sud-coréennes refusent résolument d'envoyer les surplus au Nord. Une politique cohérente avec la stratégie de la droite sud-coréenne : il faut affamer la Corée du Nord dans l'espoit de provoquer un changement de régime. Décryptage.

Rizière près de Paju, au Sud de la zone démilitarisée qui sépare les deux Corée

Rizière près de Paju, au Sud de la zone démilitarisée qui sépare les deux Corée

Dans la péninsule coréenne, c'est toujours le Sud qui a bénéficié des meilleures terres agricoles et de la plus forte production de riz, base de l'alimentation des Coréens - et c'est donc aussi dans les régions méridionales que la population a le plus fortement augmenté, bien avant la partition. Quand la Corée souffrait de famine, les populations du Nord, les plus touchées, allaient dans la Mandchourie voisine, où s'est ainsi installée une forte minorité coréenne dès les années 1860.

Dans le Nord, où un sixième seulement des terres sont arables, le riz ne constitue d'ailleurs que la moitié de la production céréalière - la production de maïs étant pratiquement aussi importante que celle de riz. Après la disette des années 1990, dans un contexte marqué notamment par des catastrophes climatiques à répétition (sécheresses, inondations), les autorités nord-coréennes ont encouragé la diversification de la production agricole, et si la production céréalière a retrouvé un niveau proche de l'autosuffisance, les aléas climatiques maintiennent une situation d'insécurité alimentaire.

Malgré la partition de la péninsule entérinée par la création de deux Etats en 1948, la solidarité a joué : le Nord a fourni de l'électricité au Sud après la Libération et est venu en aide aux victimes sud-coréennes des inondations en 1984, tandis que le Sud a décidé de livrer des céréales au Nord touché par les pénuries alimentaires après 1992.

Mais tout cela, c'était avant : avant que les conservateurs ne reviennent au pouvoir en Corée du Sud en 2008. L'une de leurs premières actions a été de stopper les livraisons de céréales et d'engrais au Nord, au prétexte que les aides seraient détournées : le prétexte est facile, car toute ONG humanitaire sait bien que refuser d'aider des populations dans le besoin s'exerce au détriment de toutes les couches sociales.

Si la guerre consiste à causer des pertes pour l'ennemi en utilisant tous les moyens disponibles, le Sud - toujours techniquement en état de guerre avec le Nord - utilise l'une des armes les plus abominables qui soit par les dommages irréversibles qu'elle cause : l'arme alimentaire. Le Sud n'a pas l'arme nucléaire, mais elle dispose de l'arme alimentaire, et pire, elle l'utilise - contrairement à l'arme nucléaire nord-coréenne.

Dès lors, conformément à cette logique criminelle qui porte un nom (poliorcétique), que valent les constats que les surplus de riz sud-coréens ne cessent d'augmenter, sous l'effet notamment du changement des habitudes alimentaires entraînant une baisse de la consommation au Sud, alors que les prix rendent le riz sud-coréen a priori non compétitif sur les marchés étrangers - comme l'observe Frédéric Ojardias pour RFI :

 

Résultat : les Coréens mangent moins de 63 kg de riz par personne et par an. Soit moins de deux bols de riz par jour. C’est deux fois moins qu’il y a 30 ans. Mais si la consommation chute, la production augmente. La dernière récolte a été excellente. Pis, la Corée du Sud, qui refuse d’ouvrir son marché du riz, se voit en contrepartie obligée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’importer plus de 400 000 tonnes de riz par an.

Dans ce contexte, l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) soutient les efforts d'une partie des paysans sud-coréens d'envoyer les surplus au Nord - ce qui relève autant de considérations humanitaires que de la simple logique économique. Mais des raisonnements rationnels ne pèsent guère sur des autorités sud-coréennes enfermées dans une mentalité obsidionale de guerre froide, qui ont besoin de la peur et de la répression pour maintenir une poigne de fer sur le pays qu'elles gouvernent. Le capitalisme autoritaire a sa logique, sinistre.

Source :

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13 mai 2016 5 13 /05 /mai /2016 12:23

En février 2016, le général Ri Yong-gil, chef d'état major des armées, était remplacé. Aussitôt, de nombreux médias occidentaux - mais certainement pas le blog de l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC) - annonçaient son exécution, et les services de renseignement sud-coréens (National Intelligence Service, NIS) allaient même encore plus loin en donnant des statistiques très précises sur le nombre de personnes qui auraient été exécutées chaque année en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). Pas de chance : au dernier Congrès du Parti du travail de Corée (PTC), non seulement le général Ri Yong-gil est réapparu bel et bien vivant, mais il a même été promu - en tant que membre suppléant du bureau politique du PTC et membre de la Commission militaire centrale (CMC). Ce n'est pas la première fois que des rumeurs, complaisamment entretenues par le NIS, sont démenties et que des personnes données mortes par le NIS ressuscitent (l'AAFC avait ainsi révélé la première une précédente fabrication de la désinformation signée NIS sur une personne soi-disant exécutée, réapparue ensuite vivante). L'AAFC analyse ce dernier exemple de duplicité des médias occidentaux, manipulés par une agence de renseignement aux ordres d'un pouvoir sud-coréen qui espère ainsi détouner l'attention sur ses propres turpitudes en matière de libertés publiques et de droits de l'homme.

Le général Ri Yong-gil

Le général Ri Yong-gil

Interrogée par Le Figaro, la coréanologue Juliette Morillot met en évidence le rôle du NIS et de certains groupes de pression sud-coréens d'extrême-droite dans la fabrique de la désinformation sur la Corée du Nord :

On ne peut analyser la Corée du Nord qu'à travers les apparitions et les discours à la télévision ou dans la presse; ou encore à travers les récits de transfuges ayant fui le pays. Quand une personnalité disparaît de la scène publique, les rumeurs d'exécution aussitôt commencent. Elles sont généralement annoncées par les services de renseignements sud-coréens, appuyées par des activistes chrétiens sud-coréens ou américains, avant d'être grossies par les médias.

La question que nous devons nous poser est double : pourquoi une telle attitude des services de renseignement sud-coréens (NIS), qui sont censés faire leur métier (collecter du renseignement) en toute objectivité s'ils sont des fonctionnaires au service de l'intérêt général, et pourquoi une telle duplicité de nombre de médias sud-coréens et occidentaux à leur égard ?

Tout d'abord, le NIS n'est pas tant une agence de renseignement au sens où on l'entend dans un régime démocratique qu'un outil de pouvoir au service de la droite sud-coréenne, et qui dispose d'une réelle autonomie et d'une toute-puissance - en dehors de tout contrôle démocratique - héritées de l'époque de la junte militaire sud-coréenne. La Corée du Sud a beau être devenue une démocratie parlementaire dans les années 1990 (avant de s'éloigner à nouveau de la démocratie à grands pas depuis 2008), le NIS n'a jamais été vraiment épuré ni réformé, et il a continué à jouer son rôle d'instrument politique et répressif. Par exemple, qui aurait cru que les services de renseignement du Chili de Pinochet étaient autre chose qu'un corps militaire, étranger à la démocratie, dont le rôle était de réprimer et éliminer les opposants chiliens et d'interférer dans la vie politique du pays à tous les niveaux ? C'était de même le rôle des services de renseignement sud-coréens pendant l'époque de la junte militaire, et ils ont retrouvé pleinement ce rôle avec le retour au pouvoir des conservateurs sud-coréens à Séoul en 2008. Ils sont aujourd'hui le bras armé des atteintes à la démocratie et aux droits de l'homme en Corée du Sud, ce qui passe par la nécessité selon eux de diffamer la Corée du Nord dans le but de réhausser, en contrepoint, le prestige du pouvoir qu'ils servent.

Et le pire, c'est que cela marche : par paresse ou facilité, beaucoup de journalistes sud-coréens ou occidentaux répètent les "éléments de langage" du NIS servis à la presse et aux faiseurs d'opinion. Mais il y a aussi les idiots utiles et les mercenaires, qui en toute connaissance de cause, pour une rétribution diverse, servent la soupe de la rumeur et de la désinformation.

En outre, le régime autoritaire sud-coréen utilise toute la gamme des procédés de manipulation de l'opinion publique nationale et internationale : faux témoins (comme la touchante Park Yeon-mi, la réfugiée nord-coréenne qui affabule mais dont le récit est devenu parole d'évangile et est vendu dans toutes les bonnes librairies de France et de Navarre grâce à l'argent sud-coréen), et surtout pressions multiples pour empêcher tout accès à une information non formatée par le NIS sud-coréen. Pour ce que nous savons, la spécialiste de la Corée Marie-Orange Rivé-Lasan a raconté comment les services de renseignement et l'ambassade de Corée du Sud en France lui ont intimé l'ordre de ne pas rencontrer un responsable l'AAFC, et nous avons appris récemment que des agents d'influence de la Corée du Sud font pression, en France, sur la commission Asie du Parti socialiste (PS) pour empêcher tout témoignage d'un membre de l'AAFC devant cette commission.

Mais que craint le pouvoir sud-coréen ? Pas tant la découverte de leurs manipulations sur la Corée du Nord que le fait de savoir et faire savoir que la Corée du Sud connaît une dérive autoritaire, que des faits sont manipulés (comme pour le naufrage du Cheonan, attribué à la Corée du Nord par la communauté des prétendus experts occidentaux de la Corée) ou encore qu'il y a des réfugiés politiques sud-coréens en France. Des réfugiés politiques sud-coréens ? Cela ne doit pas exister dit le NIS : l'un d'entre eux, Lee Yeda, parle dans les médias du monde entier (Corée du Sud, Japon, Allemagne...), mais pas en France où pourtant il vit et travaille. Le NIS fait décidément bien son travail auprès des journalistes français.

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